La première fois que je l'ai vu, c'était un 31 décembre et il m'ouvrait la porte de la maison de ses parents dans un éclat de rire. Je n'avais pas envie d'être là. Mon coeur n'était pas à la fête, et mes pensées étaient toutes tournées vers le diagnostic fatal que l'oncologue de ma Mère m'avait asséné quelques jours plus tôt.
Je l'ai à peine regardé. J'étais intimidée, tellement peu certaine de vouloir rester et célébrer la fin d'une année que j'aurais préféré oublier. Je me souviens de sa présence prévenante, et de sa volonté de me faire sourire. Je me souviens de notre discussion en tête-à-tête, où je lui ai raconté tellement de choses intimes alors que je ne le connaissais pas.
Et puis à un moment, j'ai fini par partir, presque en courant, le saluant à peine. Je ne me sentais pas du tout une âme de Cendrillon, j'avais juste besoin de me rouler en boule et de pleurer.
Il m'a appelée le lendemain, pour prendre de mes nouvelles. Je crois que nous nous sommes téléphoné à tour de rôle les jours qui ont suivi. Je ne sais même plus si nous avions convenu de nous revoir. Ce mois de janvier reste bien flou dans ma mémoire, il ne me reste que quelques images terribles qui continuent à me donner des cauchemars.
Il a su se faire silencieux alors. Fidèle à ce qu'il était déjà, tellement attentionné à sa manière. Puis il m'a envoyé un sms le jour de l'enterrement, pour me rappeler sa présence ...
Après près de neuf années, deux enfants et deux maisons plus tard, j'ai encore du mal à mesurer la chance que j'ai eue de le rencontrer, cet homme-là.
Il a été le pilier qui m'a empêchée de m'écrouler pendant bien longtemps, subissant mes tempêtes, encaissant ma rage, séchant mes larmes. J'ai bien souvent pensé qu'il allait partir, et je sais aujourd'hui que c'était bien mal le connaître.
Nous avons traversé des épreuves, souvent ensemble, parfois l'un contre l'autre. Nous nous sommes détestés, je crois, autant que nous nous aimons en réalité.
Nous sommes devenus parents ensemble, nous partageons les mêmes envies, les mêmes besoins. Nous sommes devenus responsables, un peu, mais nous avons toujours des rêves plus grands que nous, auxquels nous croyons fort.
Je ne sais pas si c'est rare, ce sentiment que j'éprouve avec lui. Celui de me sentir épaulée de façon inconditionnelle. Celui de pouvoir tout dire sans être jugée, et même d'être comprise quand je pars dans mes délires.
Je crois que nous avons appris avec le temps à exprimer ce que nous avons sur le coeur, et même s'il y a encore des ratés j'ai l'impression que nous nous entendons de mieux en mieux. Que notre vie est faite de parenthèses enchantées que nous savons créer pour nous échapper de la lourdeur du quotidien.
Je suis fière d'être à ses côtés, fière de ce qu'il est et de sa façon de voir la vie.
Je me rends compte que je ne vous parle pas souvent de lui finalement. Il faut me comprendre aussi, cet homme-là, je veux le garder pour moi!